Présente au salon High End de Munich 2023, la direction d’Accuphase est ensuite passée par Paris, où elle s’est rendue chez l’un des plus importants revendeurs de la marque en France, Music Hall. À cette occasion, nous avons eu le privilège de rencontrer l’un des fondateurs de la marque, Jim S. Saito, entouré de son équipe d’ingénieurs et de commerciaux.
Pouvez-vous vous présenter succinctement à nos lecteurs ?
Jim Saito : Je suis l’un des fondateurs de la société Accuphase et présent depuis les débuts de l’entreprise. Il y a plusieurs décennies, il y a eu un boom dans la hi-fi et beaucoup de fabricants sont apparus. Certains grands noms sont restés, comme Sony ou Marantz, mais ces marques avaient besoin de vendre beaucoup pour le plus grand nombre. Pour notre part, nous avons ressenti le besoin de fabriquer des produits très haut de gamme. Nous avons donc créé Kensonic puis Accuphase et cinquante ans plus tard, notre philosophie est toujours la même.
Mark Suzuki : Je suis le président d’Accuphase, que j’ai rejoint en 1981. Dès mon arrivée, j’ai commencé à repenser de nombreux produits, puis j’ai conçu notre premier lecteur CD et convertisseur, DP-801 et DC-801.
Takaya Inokuma : Directeur de l’ingénierie, je participe à l’idée qu’il faut continuer à focaliser notre production sur la qualité et la durabilité. Nous faisons attention à ce que chacun de nos produits puisse tenir le plus longtemps possible et que si par malheur l’un d’entre eux tombe en panne, il soit le plus facile possible à réparer.
Tatsuki Tozuka : Je suis chargé du marketing international et plus particulièrement du marché européen. Auparavant, je travaillais chez Esoteric et j’ai rejoint Accuphase en 2009. J’aime vraiment la façon de travailler dans cette entreprise, et j’apprécie particulièrement le marché européen.
Kohei Nishigawa : Je suis également en charge du marketing international, mais plus orienté vers les marchés asiatiques et américains. Il est très intéressant pour moi de venir en Europe pour voir les différences avec les autres marchés.
Commençons par ce dernier point. En quoi le marché européen vous semble-t-il différent des autres ?
T. T. : Avec sa culture musicale et son histoire autour de la hi-fi, le marché européen est très stable. L’Europe est le berceau de la musique classique et la plupart des gens savent très tôt ce qu’est la musique et comment l’écouter. C’est un marché très mature, dans tous les sens du terme.
K. N. : Le marché asiatique est beaucoup plus jeune, mais il grossit très vite et il est beaucoup plus difficile à suivre. C’est à la fois très actif, et en même temps basé parfois sur des effets de modes qui durent à peine quelques années voire quelques mois.
Donc la large gamme d’amplificateurs et de sources Accuphase, vous pensez à certains marchés en particulier pour développer certains de vos produits ?
J. S. : On peut définir une typicité globale dans le son selon certaines origines : il y a un son américain, un son français ou un son japonais. Mais à partir de là, nous fabriquons tous les produits pour tous les marchés, les différences étant ensuite parfois visibles sur l’attractivité d’une référence plutôt qu’une autre sur un marché. Par exemple, la France et l’Europe en général aiment beaucoup les amplificateurs intégrés, tandis que d’autres régions du monde, quand ils pensent Accuphase, pensent aux éléments séparés.
Évidemment, on pense à vous dès que l’on évoque les grandes marques de haute-fidélité. Comment réfléchissez-vous pour toujours maintenir ce niveau depuis plus de 50 ans ?
T. S. : Notre philosophie est de toujours challenger nos technologies et de toujours les développer pour rester le plus performant possible, et toujours améliorer nos produits. La principale vue est la qualité, ensuite nous pensons à des développements, à de nouveaux types de produits ou à introduire certaines innovations, mais avant tout, nous tenons à maintenir la qualité. Si une technologie est très bonne pour le son, mais trop peu fiable pour être sûrs que nos produits pourront tenir avec pendant des décennies, nous ne l’intégrerons pas.
M. S. : Non seulement nous faisons attention à maintenir toujours à un niveau très élevé la qualité des produits, mais aussi celle de l’entreprise et de ses collaborateurs.
Vous citiez des marchés qui grossissent très vite, pourtant vous maintenez une production presque constante depuis de nombreuses années. Pensez-vous garder cette stratégie à l’avenir pour Accuphase ?
J. S. : Nous fabriquons toujours environ 5 000 appareils par an, et l’idée est de rester stable, avec l’objectif principal déjà donné juste avant : maintenir notre niveau de qualité. Il y aurait un risque important à recruter massivement, à former beaucoup de personnes et utiliser davantage les chaînes pour monter en production. Nous visons avant tout la satisfaction des clients. Donc nous ne pensons pas à développer la production, afin d’assurer toujours la fiabilité de nos produits.
Quand vous évoquiez en vous présentant la facilité à pouvoir modifier des pièces s’il y a un problème, est-ce également dans une approche écologique ?
T. I. : La première approche était seulement sur la qualité des produits, tout simplement pour qu’ils ne tombent jamais en panne. Mais s’ils ne sont jamais en panne, en effet cela évite les changements et le transport des pièces, donc c’est en quelque sorte écologique. Aujourd’hui, il y a une réflexion plus profonde autour de l’écologie, notamment en Europe, qui devient de plus en plus stricte et doit nous faire repenser la consommation de nos amplificateurs en classe A.
Nous réfléchissons à de nouvelles solutions, mais aussi à maintenir la classe A tant que nous n’aurons pas trouvé d’autres techniques pour arriver à la même qualité de son. Certes, ces appareils consomment plus que les amplis en classe AB ou en classe D, mais un amplificateur reste un produit de plaisir qui n’est allumé qu’à certains moments pour profiter de la musique.
Concernant votre catalogue, vous venez de sortir un nouveau préamplificateur nommé Accuphase C-2300, qui remplace non seulement le C-2150, mais aussi le C-2450. Vous avez également stoppé le DAC autonome DC-37 sans le remplacer par un attendu DC-47. Pouvez-vous nous décrire plus précisément votre stratégie produit ?
M. S. : Nous avons six modèles d’amplificateurs intégrés, dont deux en classe A. Avec la récente montée en gamme vers les E-800 et E-5000, ces intégrés sont en train de remplacer en partie les éléments séparés d’entrée de gamme, donc nous réduisons les modèles tout en montant aussi en gamme. Aujourd’hui, un E-800 va plus loin qu’un préamplificateur C-2150 et est plus puissant qu’un amplificateur de puissance A-48, en plus d’être en un seul boîtier, ce qui évite des câbles entre les appareils et limite aussi les coûts de production, donc améliore le rapport qualité-musicalité-prix.
Concernant le DAC, nous avions de moins en moins de demandes, donc après réflexion, nous n’avons pas souhaité renouveler le DC-37. Il est possible de retrouver nos DAC grâce aux cartes DC-60 et à nos lecteurs CD et SACD. C’est vers cela que se tournent les clients lorsqu’ils souhaitent une source numérique Accuphase.
La question doit être récurrente, mais elle devient d’autant plus brûlante qu’à Munich, nous avons vu Luxman présenter un inédit transport réseau N-07T. Pensez-vous entrer prochainement dans ce marché où vous êtes attendu depuis des années ?
T. I. : Nous ne faisons pour le moment pas de streamer car les choses ont énormément évolué dans le domaine ces dernières années, et dépendent encore trop de puces et logiciels qui changent trop rapidement. Il y a à notre avis une instabilité latente à produire un streamer, tant pour la partie produit que pour l’app de contrôle.
Accuphase doit certes surveiller ce monde, mais si vous avez acheté notre premier lecteur CD, vous pouvez encore l’utiliser aujourd’hui et y lire vos CD, alors nous ne voudrions pas revenir sur notre philosophie en proposant un lecteur réseau qui serait obsolète dans quelques années, ou ne pourrait plus être contrôlé par les nouveaux ordinateurs et smartphones. Personne ne sait aujourd’hui ce qui sera encore disponible dans cinq ans, donc pour le moment, nous préférons qu’ils achètent un transport réseau ailleurs s’ils le souhaitent, et qu’ils l’intègrent directement sur nos cartes DAC ou sur les entrées numériques de nos lecteurs CD-SACD.
En plus des sources et amplificateurs, vous fabriquez des conditionneurs secteurs ainsi que des égaliseurs de voix. Quelle est l’importance pour Accuphase de purifier tout l’environnement musical ?
T. I. : Il y a plus de 20 ans, nous avons créé notre première alimentation électrique autonome. Nous sommes spécialisés dans la hi-fi, mais nous restons une entreprise électronique. Normalement, les conditionneurs sont plutôt fabriqués par des entreprises de câbles, mais nous n’étions pas toujours convaincus par les produits, alors nous avons décidé de lancer les nôtres, afin de contrôler tout l’environnement autour de nos produits. Les audiophiles savent que l’environnement global d’un système est très important, donc nous devons leur proposer des possibilités en interne pour fiabiliser au maximum la qualité de la musique.
Comment voyez-vous l’avenir du marché hi-fi dans le monde, et notamment sa partie analogique, sur laquelle vous avez des préampli phono et une cellule, mais pas de platine vinyle ?
M. S. : Aujourd’hui, le streaming est en très forte croissance, mais pour profiter totalement de sa musique en étant sûr de pouvoir continuer à le faire dans quelques années, nous pensons qu’il faut utiliser des médias plus solides, comme les CD et les vinyles. C’est pour cela que nous continuons à fabriquer des appareils pour répondre à ces besoins, en pensant qu’ils ne sont pas près de disparaître.
Voir également : ACCUPHASE E-5000 vs E-800
Paru dans VUMETRE n° 48
VUMETRE N°48
Juillet – août 2023 Version papier : 10 € (frais de port inclus) / Version digitale : 7 € Outre le plaisir de découvrir les nouveautés liées à votre passion et l’activité de l’industrie audio, nous vous proposons deux formats :
