Présent à Munich avec une grande partie du staff, le CEO de YG Acoustic Matthew Webster a répondu à nos questions autour du lancement d’une nouvelle gamme Ultimate, de laquelle est sorti le projet Gemini. Nommée définitivement Titan pour sa commercialisation, la nouvelle paire d’enceintes ultimes a pu être réentendue tout récemment dans d’excellentes conditions acoustiques à Tokyo, et sera également présentée en France au Paris Audio Vidéo Show fin octobre. En deux entretiens avec Matthew, nous vous expliquons tout sur ce projet fou.
Matthew Webster, la veille du dernier High End de Munich, vous avez présenté au Motorworld juste en face une paire d’enceintes encore plus ultime que les Reference XV 3 Signature et les Reference XX, présentes dans l’une des salles du show. Pouvez-vous nous expliquer ce projet ?
Les Titan sont les premières d’une nouvelle série Ultimate, encore supérieure à la série Reference. Elles ont été introduites pour deux raisons.
En tant que résultat de plus de trois années de recherche et de conception, ces enceintes permettent de repousser encore plus loin les frontières de la science et de l’ingénierie chez YG. Pour cela, il nous a semblé important de ne plus nous donner aucune limite, avec pour objectif dès la création du projet de chercher toutes les voies possibles à partir de toutes les technologies existantes, sans aucun frein à la réflexion.
Quand je parle de technologie, bien sûr cela implique un meilleur coffrage, de meilleurs filtres et des haut-parleurs les plus souples et les plus précis possibles. Mais j’entends aussi par cette notion, une vision scientifique dans le fait de réaliser de nombreuses analyses sur la capacité d’audition de l’oreille humaine et d’écoute de l’humain, notamment sur les points critiques en termes de réponses et de perception de la musique. En hi-fi, l’écoute idéale est justement quand l’enceinte et tout le système disparaissent totalement, au profit de la musique pure et d’une sensation de visualisation des artistes juste en face de nous. Il y a à cela un côté magique, mais comme toute magie, on trouve des explications rationnelles derrière, qu’il faut savoir mesurer dans les plus infimes détails pour les comprendre intégralement.

Vous aviez trouvé avec le modèle Reference XV 3 une solution à quatre enceintes, avec des graves indépendants d’une enceinte médium-aigu. Pourtant, avec les Titan, vous revenez à une structure en deux enceintes ?
Depuis cinq ans, nous avons appris énormément en tentant des développements vers plusieurs solutions, en deux ou quatre enceintes. Mais sur le projet Gemini, nous sommes revenus pour le premier modèle Ultimate à un système à sept haut-parleurs, afin de chercher une diffusion intégralement symétrique autour du tweeter.
Tous les haut-parleurs sont donc alignés en phase sur une même gamme de fréquence, dans une caisse de plus de 2.15 m et 455 kilos. Mais la chose incroyable que nous avons réussi à concevoir, c’est que même à très bas volume et sur de toutes petites formations, cela ne rend jamais un son trop grand et garde au contraire un énorme réalisme. Et à l’inverse, si besoin, ces enceintes sont aussi prévues pour retranscrire des très grandes masses et recréer l’impression de concert à l’écoute de grands orchestres symphoniques.
Vous évoquiez deux raisons au développement d’une nouvelle série, quelle est la seconde ?
La seconde raison est que dans le monde, il y a toujours une volonté d’aller vers les extrêmes. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons lancé ces enceintes au Motorworld, plutôt qu’au High End Show de Munich juste en face, où nous avions pourtant aussi une salle.
Dans ce lieu, on retrouve des voitures antiques et modernes qui ont cherché à dépasser les limites technologiques du moment, avec parfois des avancées techniques fondamentales, pour certaines contre des prix d’acquisition très importants. Juste à côté de notre salle d’exposition, étaient exposées des McLaren et des Bugatti de plus de 1000 chevaux et à plusieurs millions d’euros. C’est aussi dans cette optique de dépassement par rapport aux autres modèles trouvables sur le marché que nous avons pensé à la série Ultimate.

Vous comparez les Titan et donc la hi-fi à de grandes sportives automobiles, ce qui fait souvent grincer des dents, même si clairement, on retrouve dans les deux univers une fonction à la fois utilitaire et passionnelle des produits. De la même manière qu’il y a une clientèle pour McLaren, mais pas toujours de conducteurs sportifs amateurs de circuits, pensez-vous qu’il puisse encore y avoir de vrais audiophiles ou des passionnés de musique dans la gamme de prix des Titan ?
J’ai parlé auparavant de l’aspect technologique et de la réflexion lors du développement, mais une raison latente du projet Gemini, et plus globalement d’une série Ultimate, vient avant tout du fait de pouvoir répondre à une demande et de contenter une catégorie d’auditeurs. Je suis moi-même amateur de musique et formellement, je ne pense jamais nos enceintes, aussi chères soient-elles, comme des produits de luxe, mais bien comme des produits de très haute technologie, capable de retranscrire la musique avec la plus grande fidélité possible. YG a pour but premier et ultime l’expérience musicale.
Certains de nos clients ont acheté plusieurs versions pour les intégrer dans différents lieux, ou parfois les mêmes modèles dans différentes couleurs, pour en avoir une paire rouge ou orangée en plus d’une autre plus classique. L’important finalement, c’est qu’ils puissent profiter de la même qualité de retranscription sonore où qu’ils soient. À présent, la réputation de YG fait que nous avons parmi nos acheteurs également beaucoup de musiciens, qui souhaitent retrouver les émotions du concert et l’immersion du live lorsqu’ils écoutent de la musique chez eux.
Avec le projet Gemini et la première enceinte Titan, malgré de nombreux tests lors des développements des trois versions passive, semi-active ou active, le premier moment où nous sommes vraiment sortis de la notion d’ingénierie pour l’écoute a été à Munich. Et dans cette grande salle au sol sombre, pour la première fois, le produit nous a fait penser par sa forme et son chrome à un aéroplane de la période des explorateurs. C’est finalement ce que nous avons fait en cherchant à créer la gamme Ultimate : prendre notre envol pour atteindre de nouvelles explorations sonores.
Malgré la taille de l’enceinte, vous restez fidèle à la technologie de charge close, donc sans évent, comme sur toutes vos autres enceintes. Pouvez-vous nous dire si vous en avez essayé d’autres et pourquoi vous validez à nouveau celle-ci ?
Pendant toutes nos recherches et mesures sur l’oreille humaine, nous en sommes toujours revenus principalement à la réponse de phase. La fluidité de la réponse de phase est clairement la meilleure solution pour donner une impression de réalisme la plus parfaite possible. Dans un coffret fermé et d’une parfaite rigidité, il nous est beaucoup plus simple de retrouver cette fluidité de réponse et une très faible distorsion.
J’aime beaucoup le jazz et la musique classique, mais j’écoute aussi beaucoup de musique électronique, avec des basses très prononcées. Si la réponse des graves est trop serrée et trop précise, je n’aime pas le rendu. Alors pour permettre plus d’emphase tout en gardant un contrôle ondulatoire implacable, nous évitons l’évent et les ondes non maîtrisées, raison pour laquelle nous restons fidèle à la technique de charge close.
Dès la présentation des Titan et encore pendant ces entretiens à Munich et Tokyo, vous évoquez de nombreuses analyses de l’oreille humaine pendant le développement des enceintes. Avec qui travaillez-vous pour ces analyses ?
Tout ce que nous faisons et analysons est fait en interne chez YG Acoustics. Avant d’arriver dans l’entreprise, je suis passé par de nombreuses industries, en venant d’une formation de programmation informatique et de mathématique. J’ai d’abord fait du modeling industriel, puis des modèles liés à la recherche médicale, puis financière, toujours avec de fortes applications mathématiques, à partir d’une thèse spécialisée en astrophysique. Lorsque j’ai débuté avec YG il y a 5 ans, j’ai tout de suite voulu comprendre pourquoi certaines enceintes ou certains haut-parleurs me donnaient des sensations, et d’autres aucune.
Avant d’arriver, j’étais déjà client de la marque et avais déjà reçu certaines propositions pour améliorer les XV. Lorsqu’il y a eu du changement, des investisseurs m’ont demandé si je souhaitais rejoindre l’entreprise, et j’ai dit oui tout de suite. Mais ce que je n’avais réalisé, c’est à quel point nous devrions chercher mathématiquement à comprendre pourquoi il y a des effets magiques à l’écoute de certains produits. Parfois, à 5 mm près, vous passez d’un speaker fantastique à un produit lambda. Mais pourquoi ?
Alors, j’ai commencé par analyser toutes les enceintes que je pouvais écouter, celles de YG comme des concurrents, en les plaçant partout où cela était possible. J’ai testé les plus chères comme les plus accessibles, des versions pros, etc. Petit à petit, nous avons fabriqué des matrices qui nous ont permis de comprendre comment un haut-parleur sonnait le mieux ou, plus exactement, de la manière la plus vivante qui soit.
Lorsque vous allez à un concert, selon que vous êtes placé à l’avant ou tout à l’arrière de l’auditorium, il y a en moyenne 18 dB de différence entre les deux points ! Mais très souvent, vos oreilles s’en fichent, car le cerveau corrige immédiatement pour vous intégrer à l’idée de concert en live. Si vous mesurez la phase, il peut y avoir aussi de gros écarts, mais dans la foule, vous n’y faites pas attention.
En revanche, quand il s’agit de reproduire ces résultats avec des enceintes, vous devez contrôler absolument tout. C’est pour cela que nous utilisons des machines CNC à double-correction de température, qui offrent une précision de 0.01 mm. Pour la même raison, nous fabriquons nous mêmes nos filtres, car il nous est impossible de trouver des modèles équivalents ailleurs. Nous devons faire toutes ces actions pour que l’extrême sensibilité de l’oreille humaine soit la plus convaincue possible.


Est-ce par ce besoin de contrôle que vous en êtes aussi arrivés à des modèles actifs ?
Oui. Dans le milieu audiophiles, certains adorent les haut-parleurs à haut-rendement. Ceux-ci sont en effet très sensibles et amènent tout de suite une impression de fluidité. Mais si vous voulez emmener ces haut-parleurs bas dans le grave et leur donner une grande profondeur, vous devez leur délivrer le courant le plus puissant possible. Avec un amplificateur par haut-parleur, les enceintes actives ont l’avantage d’une réaction très rapide, sans délai pour dynamiser le cône, et avec une puissance délivrée à chaque fois sur une seule bande de fréquence.
Lorsque je suis arrivé chez YG, la plupart des collaborateurs ne voulaient pas de ces enceintes, non seulement par a priori, mais aussi d’un point de vue financier, sans voir aucun débouché pour ce type de produits. Après de premiers développements, la réponse a été encore plus négative de la part des revendeurs, qui non seulement ne voyaient pas l’intérêt pour leurs clients, mais pensaient en plus pour certains d’entre eux qu’ils transformeraient les ventes d’un système avec sources, ampli, enceintes et câbles, contre un système avec uniquement une paire d’enceintes…
Fort heureusement, j’ai vite rencontré John Stronczer, le CEO de Bel Canto, dont la marque conçoit d’excellentes électroniques, tant pour les sources que pour les amplificateurs en classe D. Lorsque nous avons commencé à parler de l’avenir de la hi-fi, il était aussi excité que moi sur l’actif et nous avons immédiatement travaillé sur un projet commun, devenu il y a quatre ans la Vantage 3 Live. Nous avons réalisé un prototype avec filtre-DSP, validé et présenté à des clients de nos marques respectives, avec pour résultat plusieurs commandes immédiates. Il est clair que ce n’est pas ce que tout le monde attend d’une enceinte hi-fi, mais je ne pense pas que YG puisse être et rester une marque moderne sans proposer aussi des enceintes actives.
Nous avons beaucoup échangé sur la nouvelle série Ultimate et sa Titan, présentée à Munich puis en Chine et au Japon, avant d’arriver fin octobre à Paris. Quelle est votre philosophie pour le futur ?
Sur notre roadmap technologique, nous avons environ cinq ans d’avance sur des produits à venir. Mais tous ne sortiront pas. Nous avons des grandes idées et d’excellentes simulations pour les casques, ou pour un système surround à plusieurs paires d’enceintes. À chaque fois que nous faisons des enceintes moins chères, je suis heureux de réussir à étendre nos technologies avec des produits plus abordables que ceux de la série Reference. Nous tentons de réussir quelque chose de plus abordable que la série Peak, avec presque les mêmes qualités sonores, et à l’opposé, maintenant que nous avons lancé la gamme Ultimate, il est logique d’y ajouter des modèles.
Si j’étais seul, je choisirais de lancer vingt-cinq modèles dès demain. Mais cela ne serait pas viable du point de vue commercial et noierait complètement la lisibilité des produits, en plus de surcharger les équipes de développement et de prendre le risque de perdre en qualité sur certains modèles. Je veux donc que nous tentions, avant de choisir quel modèle nous lançons, de savoir exactement lequel apportera le plus par rapport à ceux déjà existants.
Lorsque nous avons lancé la série Peak, nous avons commis une erreur, celle de sous-estimer la demande de presque un facteur 10. En deux semaines, nous avons eu en commande ce que nous pensions vendre en deux ans. Alors, cela a pris 9 mois pour livrer tout le monde, puisque nous n’avions pas les capacités d’assemblage pour répondre à une telle production. Avec ce lancement, nous avons donc appris une importante leçon : à présent, nous échangeons beaucoup avec les principaux distributeurs et revendeurs avant de lancer un nouveau modèle.
Merci beaucoup.
20/10/2025











