Le fait que Tannoy stoppe la production d’enceintes haute-fidélité a tout simplement permis de créer une nouvelle entreprise sur la base de ses meilleurs éléments, extrêmement dynamique pour amplifier encore des technologies pourtant déjà éprouvées depuis plusieurs décennies. Ainsi, après avoir créé Fyne Audio et commencé à présenter des produits à partir de 2018 pour développer le haut-parleur coaxial IsoFlare, les équipes sous la houlette de Paul Mills ont pu présenter quatre ans plus tard deux séries Vintage, dont nous tirons l’un des meilleurs éléments : la Twelve !
Conçues par le directeur technique Paul Mills, les nouvelles séries Vintage de Fyne Audio s’intercalent entre les enceintes colonnes de la série F700 et celles de la gamme F1, dont elles reprennent les transducteurs IsoFlare et le tweeter à compression, ainsi qu’une partie des filtres. Divisés en deux catégories, les Vintage reprennent soit le design Tannoy des années 1960-1970 pour la série Vintage Classic constituée de quatre modèles, soit le design totalement rétro pour la plus raffinée et luxueuse série nommée tout simplement Vintage et composée de trois modèles. À l’intérieur de cette dernière, la Twelve vient se placer au milieu, entre la Ten et la Fifteen, le numéro du modèle représentant à chaque fois la taille en pouces du haut-parleur, soit 12’’ et donc 30 cm pour celle dont nous admirons la belle parure boisée aujourd’hui.
Intégrés dans un massif caisson à double cavité en contreplaqué de bouleau, sur lequel viennent se plaquer du noyer véritable puis des incrustations de ronce de noyer et de métaux anodisés, les éléments technologiques les plus récents et les plus avancés de la gamme F1 s’offrent ici pour un budget 40 % moins élevé, ceux de la Twelve (au prix catalogue de 27 000 €) dérivant directement du modèle F1-12S (45 000 €). Le haut-parleur coaxial IsoFlare reprend le principe de double transducteur, qui permet de développer une structure deux voies à l’intérieur d’un seul espace, avec un cône de 30 cm multifibre de la meilleure finition pour les graves et les médiums, associé à un tweeter à compression à dôme en alliage de titane de 75 mm, piloté par un système magnétique en néodyme. Un évent descendant breveté BassTrax Tractrix avec diffuseur vers le bas vient compléter un système filtré grâce à un bi-câblage passif à faibles pertes OFC cristal plaqué argent, traité par méthode cryogénique afin de stabiliser au mieux les matières, puis placé à la main sur des panneaux de fibres de bois pour limiter au maximum les vibrations.
Dénommée conducteur de source ponctuelle, la technologie IsoFlare à la directivité constante ajustée à un suivi permanent de l’évasement du cône permet de reproduire le son sur une bande de fréquences hyper-large de 24 Hz à 26 kHz, tout en donnant la sensation qu’il ne provient que d’un seul point. Les haut-parleurs sont encastrés dans un châssis rigide en aluminium moulé, lié à un support de coffret dédié aux matériaux gardés confidentiels par la marque, le tout finement entouré de rouleaux nommés FyneFlute, dont la géométrie variable des cannelures conçue par informatique permet de parfaitement libérer l’énergie du cône pour limiter les colorations et améliorer encore la précision. Prévue à 750 Hz, la région de croisement est pensée pour ne jamais se trouver dans l’interférence des résonances du tweeter, grâce à une chambre arrière ventilée dans l’aimant haute-fréquence et une géométrie du guide d’ondes HF faite pour offrir la réponse la plus plate possible. À l’opposé du spectre, les ondes basses fréquences sont évacuées par la chambre inférieure du coffrage grâce au cône diffuseur Tracfix, dont le but est de transférer par le bas de l’enceinte l’énergie de l’onde plane en un front d’ondes sphériques de 360° diffusées dans toute la pièce. Initiée dès 1920, cette technologie a été intégralement revue pour la gamme rétro du fabricant écossais et facilite l’intégration des Vintage n’importe où par rapport à des murs, les derniers réglages pouvant s’effectuer grâce à deux molettes, celle d’Énergie haute-fréquence disposée à l’arrière pour faire varier la réponse du tweeter, et celle de Présence placée en façade, associée à un petit cadran avec une aiguille pour contrôler le réglage et ajouter encore une fine touche du passé à ces Fyne dernier cri !
L’installation
Entendue avec la Ten au salon de Varsovie, la série Vintage aura aiguisé notre curiosité jusqu’à ce que nous puissions enfin la réanalyser en détail, en France, grâce à la paire de Twelve actuellement validée par Thierry de Music Hall, à Paris. De 77 kg chacune, les enceintes n’avaient cependant pas encore pu être placées dans le studio du bas, et c’est donc en haut sur le récent Mark Levinson MA 8950, puis sur un intégré Accuphase E-5000, que nous avons pu tester pendant plusieurs heures ces grosses rétro. Extrêmement luxueuses par leur finition boisée du plus belle effet, les Twelve nécessitent idéalement une pièce large, mais ont surpris par leur adaptation à un auditorium plus mesuré. Ce point était d’autant plus mesurable que l’écoute a pu être adaptée par les deux molettes de Présence et d’Énergie, tandis que nous avons lancé sur le nouveau Zidoo Néo Alpha (cf. VUmètre n° 44), puis sur le lecteur SACD Accuphase DP570, les musiques les plus exigeantes possibles, afin d’aller chercher les enceintes dans les compartiments les plus difficiles de la retranscription du spectre sonore et des effets de masses musicales.
Le son
Présentées sans être écoutables au salon High End de Munich en mai 2022, les Fyne Audio Vintage s’étaient laissé entendre en novembre à l’Audio Video Show de Varsovie dans leur version Ten, où elles avaient promulgué une très agréable impression intimiste. Car si nous enchaînions au salon les salles dans lesquelles chaque constructeur semblait avoir présenté son enceinte la plus grosse pour faire le plus gros son possible, l’entrée dans la salle Fyne nous avait au contraire ramenés à un caractère musical beaucoup plus fin, retrouvé à nouveau avec la Twelve lors de nos écoutes parisiennes. Souvent très impressionnantes avec de grandes masses chorales ou sur des musiques rock très dynamiques, les grosses enceintes se voient fréquemment prises en défaut lorsque l’on repasse sur de la musique chambriste, où l’écoute d’un bel enregistrement de clavecin ou de piano démontre régulièrement un effet de volume trop important par rapport à la réalité du même instrument en live. À force, cela nous faisait penser qu’acquérir de grandes enceintes réclamait de posséder par ailleurs une seconde paire plus petite, pour l’écoute des musiques plus intimes. Avec les Twelve, nous avons donc commencé par vérifier ces notions grâce au piano de Beatrice Rana, artiste entendue récemment à la Philharmonie, puis par celui du récent enregistrement de l’Hammerklavier de Pollini, ce pianiste enregistrant et jouant l’intégralité de ses concerts sur son propre Steinway & Sons revu par l’Italien Angelo Fabbrini, reconnaissable à sa couleur dans le médium. Nous avons pu alors découvrir des coloris d’un naturel profond, superbement nuancés sur l’intégralité des octaves du clavier, en même temps qu’un niveau de précision à même de décupler la sensation de réalisme du toucher. Légèrement boisé, le son développé s’est épanoui sans jamais créer trop d’effet d’ampleur du piano, impression vérifiée ensuite par le fait de glisser sur des musiques jazz de petites formations puis sur de la musique de variétés.
Le fait de dériver sur des opéras à grandes masses chorales puis sur le Requiem de Verdi et Carmina Burana de Carl Orff a permis d’évaluer au contraire comment le haut-parleur coaxial s’en sortait avec des informations complexes, en créant juste une petite surcoloration dans l’extrême aigu, tout en maintenant une image et une scène sonore extrêmement équilibrées. Ces dernières sont corrigées par la molette de présence afin de s’adapter au mieux à une salle trop petite pour laisser idéalement s’épanouir toutes les ondes musicales. Avec du rock légendaire et des musiques électroniques récentes, le son charnu entendu sur les contrebasses de symphonies mahlériennes s’est encore exalté, pour libérer des graves toujours parfaitement tenus, même dans les fréquences les plus basses, en plus de toujours présenter une scène sonore aussi large que profonde.
Notre conclusion
Magnifiquement conçues, les enceintes Vintage de Fyne Audio se démontrent particulièrement flatteuses dans leur série la plus luxueuse, qui bénéficie au passage d’une caisse supérieure à celle de la série Vintage Classic et semble justifier visuellement comme musicalement la différence de tarif. Au double du prix de la Vintage Classic, dont la plus grosse version est justement la XII aux transducteurs de 12’’, la Twelve ajoute une touche de bois classieux. D’une grande finesse malgré leur taille et leur poids, ces Fyne résolument rétro ramènent aux plus belles heures de la hi-fi et pourront s’intégrer dans de nombreuses pièces et de nombreux mobiliers grâce à leur élégance, avec la possibilité de leur apposer de fines grilles tissées si l’on souhaite rendre plus discret le large HP coaxial. Avec quatre borniers, ces Twelve pourront par ailleurs être bi-amplifiées, pour un résultat sans doute passionnant, à tester avec les meilleurs blocs mono du marché dans les années à venir, en rêvant encore à une longue vie pour la haute-fidélité de cette qualité !
FICHE TECHNIQUE : FYNE AUDIO Vintage Twelve
- Origine : Écosse
- Prix : 27 000 €
- Dimensions : 1102 x 572 x 591 mm
- Poids : 77,1 kg
- Type : 2 voies, avec diffuseur BassTrax Tractrix
- Sensibilité : 96 dB ; 2,83 V @ 1m
- Ajustements : High frequency energy (750 Hz – 26 kHz) +/- 3 dB Presence (2,5 kHz – 5,0 kHz) +/- 3 dB
- Impédance : 8 ohms
- Fréquence de réponse : 24 Hz- 26 kHz ; -6 dB
Paru dans VUMETRE n° 45
VUMETRE N°45
Janvier – février 2023 Version papier : 10 € (frais de port inclus) / Version digitale : 7 € Outre le plaisir de découvrir les nouveautés liées à votre passion et l’activité de l’industrie audio, nous vous proposons deux formats :