Récemment entré dans l’univers HEM, le combo Ferrum OOR et Hypsos réunit respectivement un ampli casque et une alimentation dédiée. Un ensemble somme toute classique qui, sur le papier, aurait pu rester noyé dans notre océan de produits réceptionnés… jusqu’au jour où, par pure curiosité, nous nous sommes décidés à l’auditionner. Une écoute surprenante de prime abord, qui deviendra extatique par la suite, grâce à un outil simplement révolutionnaire, désormais vissé à notre banc d’essai : l’Hypsos, nouvelle reine incontestée des alimentations stabilisées. Focus sur le coup de cœur de votre rédacteur.
Si le nom de Ferrum Audio ne vous dit sans doute rien, celui de HEM vous sera certainement plus familier. Fondé au début du siècle à Varsovie, en Pologne, le groupe, spécialisé dans la production et le développement de solutions dédiées aux marques et revendeurs Hi-Fi, dispose en effet d’une belle collection de marques, plébiscitées aussi bien par nos confrères que les audiophiles de tout bord. Et si l’on citera bien évidemment Mytek, réputé pour sa série Brooklyn – un ensemble ultra-compact combinant streamer, DAC, pré-ampli et bloc de puissance délivrant 2 x 300 W (!) – le constructeur s’est aussi illustré via sa marque Clarus, spécialisée quant à elle dans les câbles d’exception. Une entreprise protéiforme menée de main de maître par son dirigeant/fondateur, Marcin Hamerla, ingénieur de profession, ayant d’abord fait ses armes dans l’industrie de pointe (médecine et militaire) avant de jeter son dévolu sur sa passion première, la Hi-Fi, avec le succès qu’on connaît.
Fait rare de nos jours, la marque conçoit et assemble chacun de ses produits en interne : du plan initial sur papier à l’édition des PCB, en passant par la conception du boîtier en CAO. Une gageure quand on sait que l’équipe compte moins de 20 personnes au complet !
Un travail d’orfèvre qui a su séduire les plus grands noms du secteur, ravis de sous-traiter la délicate ingénierie de circuits numériques à un acteur aussi spécialisé que réputé. D’autant plus que leur catalogue propose aussi bien des amplificateurs que des convertisseurs dédiés, et même des phonos. Aussi HEM entend-il bien enfoncer le clou avec sa nouvelle marque Ferrum, certes plus accessible que ses grandes sœurs, mais toujours aussi intransigeante dans sa conception.
Préampli Oor
Mesurant tout juste 21,7 cm de large, pour 20,6 cm de long et 5 cm de haut, le OOR se veut plutôt compact pour un modèle du genre. Drapé de noir, l’ampli dissimule sous son épais châssis une électronique dense, avec un poids mesuré à 2 kg sur la balance. Un gage de sérieux renforcé par l’élégant sceau trônant fièrement sur la façade principale, rehaussé par une étonnante barre aux reflets ocres, rappelant le fer et mise en lumière par un jeu de LEDs du plus bel effet. En façade, le OOR affiche une sobriété presque spartiate. Un gigantesque potentiomètre de volume, deux sorties casques, dont une symétrique, un sélecteur d’entrée doublé d’un commutateur de tension et un dernier contrôleur pour basculer entre les différentes valeurs de gain.
Même constat à l’arrière, l’amplificateur se contentant du strict minimum, avec deux jeux d’entrées XLR/RCA, accompagnés des mêmes prises en sortie. Enfin, tout à droite se trouve une prise d’alimentation D surmontée d’une seconde entrée (4-pins) dédiée à l’Hypsos.
Développé dans un objectif de transparence absolue, le OOR s’articule autour d’un circuit entièrement analogique, uniquement constitué de composants discrets, soigneusement triés sur le volet. La promesse ? Un signal ultra-puissant totalement exempt de la moindre distorsion, jamais fatiguant, accompagné d’une plage dynamique sans équivalent dans cette gamme de prix.
Et à la lecture de la fiche technique, Ferrum semble s’être surpassé, l’ampli atteignant des valeurs presque délirantes, talonnant des concurrents près de dix fois plus onéreux avec un niveau de sortie frôlant les 2 000 mW en charge asymétrique, et 8 000 mW (!) en symétrique. Un véritable monstre !
Alimentation Hypsos
Plus dense que l’OOR, l’Hypsos conserve les mêmes dimensions, mais gagne en embonpoint, l’alimentation affichant pas moins de 2,89 kg. Un poids somme toute mesuré pour ce type d’appareil, la très grande majorité flirtant allègrement avec les 5-7 kg en raison de la batterie intégrée. Une première surprise donc, très rapidement éclipsée par un deuxième choc : alors que la majorité des alimentations se contente bien souvent d’une façade vierge de tout contrôle, Ferrum prend tout le monde à contrepied, adjoignant son Hypsos d’un superbe écran LCD. Et, non content d’égayer la monotonie de l’appareil, cet écran se paye le luxe d’offrir une lisibilité de premier ordre, aidé par une excellente luminosité, une définition tout bonnement bluffante et une interface des plus soignées. Une vraie claque, transfigurant le rapport habituellement entretenu avec ce type d’accessoires, généralement aussi terne qu’indispensable. Sur le plan purement technique, le Hypsos associe le meilleur de l’analogique à la magie du numérique. Le transformateur toroïdal surdimensionné, précédé d’un bloc de filtrage séparé, est soutenu par quatre gigantesques condensateurs soudés sur un gigantesque PCB dont la finesse d’exécution ferait rougir les plus grandes marques. Une surenchère qui, nous le verrons plus tard, n’est pas pour nous déplaire.
Dans les faits, l’alimentation sera capable de délivrer une tension continue comprise entre 5 et 30 V, avec un courant de charge pouvant atteindre 6 Ah. La seule vraie contrainte restant la puissance totale demandée, ne devant pas excéder 80 W, l’alimentation étant fort heureusement bardée de protections contre la surtension, l’inversion des polarités ou tout mauvais paramétrage. Mais ne boudons pas notre plaisir, le Ferrum Hypsos reste admirablement doté pour un appareil du genre. Chose d’autant plus rare qu’à l’instar du OOR, son installation s’avère particulièrement aisée.
L’utilisation
Connecter le duo OOR à une source est à l’image de son style : simple et efficace. Tous les contrôles se font depuis l’unique potentiomètre, ne comportant que deux valeurs : RCA ou XLR. Si bien qu’une fois appairé à notre DAC – un Auralic Vega – la seule autre option disponible est le réglage du gain, bien utile pour qui souhaiterait connecter une paire d’intra-auriculaires ou un casque un tant soit peu sensible à ce bouillonnant bloc de métal. Mais, une fois encore, l’Hypsos vient voler la vedette grâce à sa conception hors norme.
C’est bien simple, jamais n’aurions-nous imaginé un seul instant prendre autant de plaisir à utiliser une alimentation audiophile dédiée. Car si le néophyte se contentera d’associer le OOR et l’Hypsos via le Ferrum Power Link (une prise BNC 4-pins), c’est bien grâce au câble DC 2,5 mm qu’un nouvel univers fut entrouvert. Et pour cause, via son écran de contrôle, il sera possible de contrôler la tension, l’ampérage, mais aussi la polarité, par pas de 0,1 ! De sorte que la liste d’appareils compatibles s’avère tout bonnement pléthorique, Ferrum référençant pas moins de 220 systèmes compatibles à ce jour (de iFi à Mcintosh, en passant par Auralic) en comptant uniquement les appareils hi-fi ! Mieux encore, grâce à la fonction Sweet Spot Tuning (SST), l’Hypsos se révèle capable de moduler la tension de sortie à la volée, autorisant un contrôle quasi granulaire du rendu. Testé sur un petit DAC SMSL, puis le Chord Mojo et enfin notre Qutest, le résultat fut bien au-delà de nos espérances, si bien qu’il nous tarde de nous procurer l’intégralité des adaptateurs idoines pour compléter nos expériences.
Dernier point, et pas des moindres, l’alimentation dispose en outre d’une prise Trigger in/out offrant la possibilité d’intégrer celle-ci à un ensemble complet, disposant (ou non) de fonctions d’automation. Bluffant !
Le son
Pour les besoins de ce test, notre ensemble Ferrum a été connecté en amont à notre DAC Auralic Vega, substitué après quelques jours par un Chord Qutest dont la capacité de résolution frôle l’indécence. Pour l’écoute, notre fidèle Audeze LCD-X (notre référence) est encore et toujours de la partie, assorti d’un Meze Empyrean, lui aussi apte à encaisser de très fortes charges.
Et c’est tant mieux, le OOR révélant dès les premières écoutes un tempérament de feu, bien loin de la retenue affichée par les tons monocordes du boîtier. Qu’il s’agisse du Audeze ou du Meze, nul n’a opposé de résistance, dompté dès les premières notes par l’assourdissante réserve de puissance offerte par cet ampli. Si bien que ce dernier se joue des styles et des genres avec une autorité presque insolente. De l’électro hyper saturée de Justice à la voix chaude et suave de Melody Gardot, rien ne lui résiste. Une prééminence assortie d’un niveau de distorsion minimal, égrenant minute après minute une partition parfaitement huilée. Les pistes les plus complexes ne souffrent d’aucune saturation, aucune coloration, le petit OOR conserve une droiture quasi militaire qui n’est pas pour nous déplaire. Et si le réglage du gain se limite au strict minimum, force est d’avouer que sur les morceaux à la dynamique limitée, ce dernier fait son petit effet. Point important, privilégiez les sorties symétriques tant que faire se peut. Si notre Auralic Vega se dote d’entrées RCA et XLR, la bascule de l’une à l’autre affecte grandement la qualité d’écoute. Les graves sont plus tendus, les aigus ciselés. Se déploie alors cette sensation indicible que le monde s’efface face à la musique.
Une prestation impeccable, pour un banc d’essai qui aurait pu s’arrêter ici… si Ferrum ne nous avait pas tant vanté les capacités du duo OOR + Hypsos. Et heureusement !
Admirable en solo, une fois relié à l’Hypsos, le duo confine au superbe. La relation presque symbiotique liant les deux appareils se révèle à l’instant même où la première note se jouera – dans notre cas la guitare d’« Hotel California ». La scène gagne en profondeur, les voix se délient et chaque phrasé nous invite à prolonger l’expérience, confortablement lové dans notre canapé. Et bien que l’expression puisse aujourd’hui sembler éculée, il faut l’avouer, une fois connecté à l’Hypsos, un voile se lève. La clarté d’ensemble, la finesse des aigus, la fermeté des graves, tout est magnifié, le OOR distillant avec une facilité déconcertante les plus fins détails, rivalisant sans peine avec les ténors du genre. La signature sonore gagne en naturel, perdant cet aspect initialement rigide, avec un velouté tout organique, celui qui fait que l’on arrête tout pour mieux apprécier l’œuvre jouée. Un ensemble incontournable.
NOTRE CONCLUSION
S’il promet beaucoup, le Ferrum OOR ne faillit jamais. Véritable ampli casque high-end, son design somme toute classique et son tarif légèrement élevé cachent en réalité un pilier inébranlable, doué d’une polyvalence rare et d’une rigueur presque allemande. Le parfait compagnon d’un casque planar ou d’une légende telle que le Sennheiser HD-800S, toujours aussi exigeant malgré les années.
Cependant, la révélation de cet essai fut sans conteste l’alimentation Hypsos. Véritable couteau suisse, elle a su non seulement dévoiler la nature profonde du OOR, mais aussi celle de la quasi-totalité de nos DAC. Difficile de ne pas succomber aux charmes de ce petit bout de métal offrant la justesse d’une électronique de prestige et la polyvalence d’un mini-ordinateur.
FICHE TECHNIQUE : FERRUM Oor + Hypsos
- Origine : Pologne
- Prix : 1 995 € (OOR)
- Dimensions : 217 x 206 x 50 mm
- Poids : 1,8 kg
- Connectique en entrée : 1 x XLR/1 x RCA/DC 2,5 mm/DC 4-pin
- Connectique en sortie :
- 1 x XLR 4-pins / 1 x jack 6,35 mm
- 1 x XLR/1 x RCA
- Réponse en fréquence : 20 Hz-100 kHz +/-0,1 dB
- Puissance de sortie :
- 400 mW @ 300 ohms (6,35 mm)/
- 1 600 mW @ 60 ohms (XLR 4-pins)
- 2 000 mW @ 300 ohms (6,35 mm)/
- 8 000 mW @ 60 ohms (XLR 4-pins)
- Impédance de sortie :
- 22 ohms (RCA)/44 ohms (XLR)/
- 0,3 ohms (XLR 4-pins/jack)
- Gain : XLR -4 dB, +6 dB, +16 dB/RCA-jack -10 dB, 0 dB, 10 dB
Paru dans VUMETRE n° 40
VUMETRE N°40
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