Nouvelle colonne et désormais vaisseau amiral de la marque, la PF2 Signature est l’aboutissement de dix-huit mois de développement, avec une remise en cause de chacune des composantes de l’enceinte. Si la philosophie générale de T&T reste présente, la T&T PF2 Signature est totalement nouvelle : haut-parleurs, conception de l’ébénisterie, filtre, câblage… Chacun de ces aspects a bénéficié d’un long travail de recherche pour l’optimiser à un niveau d’exception. L’objectif est simple : ne plus écouter en analysant les qualités du système, aussi satisfaisantes puissent-elles être, mais profiter d’un lien direct, authentique, intense et sans filtre avec l’interprétation.
Pour découvrir ces nouvelles enceintes, nous sommes allés à la rencontre de leur créateur Pierre Faverieux, qui nous a accordé un entretien riche en enseignements.
Pourquoi la T&T PF2 Signature ?
Pierre Faverieux : C’est une sorte de témoignage ultime de mon savoir-faire à cet instant T. « PF » pour Pierre Faverieux et 2 pour 2e dans la série (car il y aura potentiellement une PF1 plus compacte à l’avenir). Ma volonté était de créer LA colonne deux voies encore compacte avec le minimum de compromis.
La Nel Extrême ne suffisait pas ?
P. V. : La T&T PF2 Signature est un concept passion, le prix de vente n’a pas été une contrainte au départ. La Nel Extrême, aussi performante soit-elle, est la déclinaison haut de gamme du concept Nel. Le concept PF2 Signature est plus ambitieux dès le départ avec des haut-parleurs de niveau supérieur, un câblage exclusif, des composants et des technologies propriétaires dans la conception de l’ébénisterie, des recherches sur le filtrage… Le choix d’un woofer plus grand (+35 % de surface émissive, +35 % de rendement) avec une motorisation de haut niveau permet à la T&T PF2 Signature de s’adapter à des pièces à vivre jusqu’à 50 m2. Le positionnement tarifaire est nettement plus élevé ; l’enceinte est plus ambitieuse.
Pouvez-vous nous évoquer le cahier des charges ?
P. V. : Faire la meilleure colonne compacte deux voies en l’état de mes connaissances avec comme objectif le naturel de restitution, le réalisme, la polyvalence (différents styles de musique), l’absence de signature technologique/électronique à l’écoute. L’objectif est de ne plus écouter des enceintes ou un système, mais seulement la musique et l’ambiance qui va avec. Quand j’ai commencé ma recherche, je n’ai pas mis de frein au budget. Je me suis dit que j’allais développer l’enceinte dont je rêve sans me limiter et que je verrai ou ça me mène.
Le premier élément choisi ?
P. V. : C’est le couple de HP qui est à la base du projet : d’abord, le 19 cm choisi pour sa grande surface émissive, la légèreté de son équipage mobile, la performance de son moteur et les qualités exceptionnelles de transparence liées également au matériau de la membrane. Ensuite le choix du tweeter s’impose pour pouvoir s’harmoniser avec le 19 cm (raccord à 1,7 kHz). Le béryllium a été retenu pour ses qualités de fidélité, transparence, neutralité et absence de distorsion.
Le choix du couple de HP a entraîné en cascade le choix des autres éléments ?
P. V. : Cela a fixé au départ le volume de charge (proto avec multiples essais volume-accord bass-reflex). Concernant l’implantation du tweeter, plusieurs essais de face avant ont été réalisés, les facettes sont définies pour parfaire la réponse. La pente de la face avant de 40 mm d’épaisseur optimise l’alignement temporel.

Pourquoi un évent laminaire ?
P. V. : L’évent laminaire est moins souple pour la mise au point, car un évent circulaire réglable est plus facile à mettre en œuvre et permet des ajustements. Mais l’évent laminaire a été choisi en raison de l’optimisation du couplage avec le volume interne, et d’un alignement temporel optimisé. Les contraintes physiques de construction et d’implantation du filtre liées à l’évent laminaire ont été prises en compte dès le début du projet T&T PF2 Signature. L’évent est de grande section (50 cm2), avec un accord à 36 Hz.
Concernant la caisse proprement dit, auriez-vous quelques spécificités à évoquer ?
P. V. : La pointe avant est prise dans l’épaisseur de la façade, et deux Hifistay Ballerino 60 font le contrepoint à l’arrière. De multiples renforts en multiplis sont placés sur les différents axes de l’ébénisterie. J’ai aussi développé un système de suppression d’ondes stationnaires pour la zone médium, qui dissipe l’énergie arrière du HP sans sur-amortir ni créer un étouffement du son. La géométrie basse du coffret a été travaillée pour supprimer les ondes stationnaires dans la zone du haut-grave. Le filtre est placé dans un compartiment fermé dans le bas de l’enceinte, et il est monté souple sur le coffret. La masse du filtre est de 3 kg par enceinte. Il a fait l’objet d’une grande partie du développement, avec des recherches de différentes typologies de schémas, et avec une corrélation avec de nombreuses sessions d’écoute. L’objectif est que le filtre soit le moins intrusif possible, avec une consommation d’énergie minimale, et surtout un respect scrupuleux du timing.
Pensez-vous que la puissance de calcul et de recherche d’une grande équipe apporterait un résultat différent d’un chercheur seul qui coordonne complètement le projet ?
P. V. : Une équipe apporte indéniablement une capacité de travail et de test supérieure, mais une partie de ce temps est aussi passé à l’optimisation des coûts, l’optimisation en vue de l’industrialisation, qui sont pour finir des contraintes bien moins prioritaires dans le cas d’un concepteur seul. Une grosse équipe doit être rentabilisée par des volumes de vente importants, donc avec des contraintes de production en grande série. Un concepteur seul va plus se concentrer sur l’optimisation du résultat à l’écoute, avoir certainement plus de liberté dans sa créativité. Même si les moyens de développement sont très inférieurs, l’avantage du concepteur seul est de maîtriser l’ensemble des aspects de l’enceinte de manière globale (filtrage, haut-parleurs, choix des composants, connectique, ébénisterie, amortissement…), et il peut probablement aller plus loin dans la recherche de la symbiose parfaite de toutes ces composantes.
Ce sont deux manières fondamentalement différentes de travailler, avec un résultat qui dépendra beaucoup des personnes impliquées. La vision, la conviction et la compréhension fine de l’objectif seront décisives en termes de niveau de performance atteint. Enfin, une autre différence est qu’une grosse équipe vise à satisfaire le plus grand nombre, le grand public, alors qu’un concepteur seul peut se permettre de viser une niche plus étroite concernant le volume de ventes.
Combien de temps avez-vous mis pour réaliser ce projet ?
P. V. : Le temps de gestation a été de dix-huit mois dont trois mois de réglage fin en conditions d’écoute réelles. Le développement a été réalisé à 90 % sur une seule enceinte pour ne pas se laisser charmer par la scène sonore et le côté plaisir. On se concentre dans un premier temps uniquement sur l’équilibre tonal de l’enceinte et le comportement du filtre. Les écoutes en stéréo arrivent en toute fin de développement, avec les réglages fins (accord bass-reflex, filtrage, amortissement interne). En résumé : 45 % pour la conception de l’ébénisterie et de l’amortissement interne, 45 % pour le filtre, et 10 % sur la mise au point fine en toute fin de développement à l’écoute.
Comment avez-vous développé le coffret ?
P. V. : L’assemblage de l’enceinte est réalisé sur place chez nous sous presse. Les pièces sont usinées sur une machine à commande numérique en cinq axes dans la Drôme. Je n’utilise pas de logiciel de simulation pour la conception. Pour le volume de charge et l’accord, je calcule un volume et un accord « théoriques », ensuite on réalise un panel de mesures sur les différents couples volume/fréquence d’accord sur un coffret prototype afin de déterminer la combinaison donnant les meilleures performances dans le grave.
Pour le filtre, on démarre sur des expérimentations, puis la mise au point du filtre itérative par sessions successives de mesures et d’écoute en essayant à la fois de trouver l’équilibre parfait et de « contraindre » le moins possible le HP. Évidemment, l’utilisation de la mesure est indispensable pour le développement du filtre, mais les dernières subtilités se peaufinent à l’écoute. D’où la précision très élevée sur les composants du filtre qui est inférieure à 1 % sur certains composants-clés.
L’utilisation
Les T&T PF2 Signature se méritent. Au moment où j’ai réalisé le test, il n’y en avait qu’une seule paire disponible. J’ai donc pris un TGV pour Valence afin d’enquêter sur place. Tout le temps nécessaire a été pris pour les écouter avec un grand nombre de messages musicaux différents, à des moments différents. Ce sont des enceintes relativement compactes et faciles à placer, mais qui exigent un environnement de la plus haute qualité pour donner la pleine mesure de leur potentiel.
Le son
Imaginez une vaste fenêtre ouverte sur votre monde musical, une perspective inédite comme vous ne l’aviez jamais envisagée. Généralement, c’est le genre d’expérience que l’on fait en concert ou au High End de Munich sur un système démesuré. Mais cette aventure vient de m’arriver dans une salle de 40 m2 et 4 m sous plafond avec une paire de colonnes compactes deux voies. Miracle ? Hallucination auditive ? Rien de tout cela, juste l’écoute approfondie des nouvelles T&T PF2 Signature. En matière de reproduction sonore, l’appréciation d’une véritable image en trois dimensions est l’une des notions les plus abstraites et l’une des moins simples à appréhender. Pourtant, lorsque l’auditeur est confronté à un espace holographique crédible, le cerveau décode immédiatement cet ensemble de données, il procure à l’auditeur une sensation de plénitude dans son expérience sensorielle. La vraie, la belle, l’authentique image en trois dimensions ne se révèle qu’assez rarement à l’audiophile et lorsque cela se produit, l’expérience laisse une trace durable dans la mémoire de son heureux bénéficiaire.
Les T&T PF2 Signature possèdent de nombreuses qualités mais c’est leur univers spatial qui les distingue considérablement de la plupart des enceintes électrodynamiques. Elles se rapprochent en effet infiniment plus de modèles tels les exquises Diptyque DP160 km2. Sur à peu près n’importe quel message, elles génèrent une large et profonde onde sonore continue entre la gauche de l’enceinte gauche et la droite de l’enceinte droite, et cela sans le moindre trou, le moindre décrochage, la moindre incohérence ponctuelle. Il n’y a aucune rupture dans la mise en perspective des interprètes sur la scène. Écouter de l’opéra avec les T&T PF2 Signature est un plaisir merveilleux et une expérience délectable que vous souhaiterez prolonger des heures durant. Le calage dans l’espace des musiciens est hyper focalisé. L’expérience nous a appris que les deux voies sont souveraines en matière de reproduction spatiale. Mais ici l’on atteint des sommets d’exactitude et surtout de cohérence dans le mouvement car on suit sans la moindre difficulté l’évolution des musiciens.

La deuxième inestimable vertu des PF2 Signature a trait à leur limpidité, et c’est vraiment ce terme que j’ai choisi à dessein car telles une eau pure et transparente, ces enceintes prolongent très loin la netteté si bien que le regard semble embrasser l’infini et repousser les frontières. Tout ce qui serait en mesure de brouiller le message est systématiquement éliminé afin que l’auditeur ne profite que de la musique sans être dérangé par des scories électroniques. L’étendue du brouillard électromagnétique dans lequel nous baignons depuis l’avènement des réseaux sans-fils semble inopérant en la circonstance car les PF2 Signature ont l’air immunisées à leur égard. Excellente nouvelle : la musique enregistrée n’en est que plus pure et plus exquise.
Cette quête de la profondeur du silence a de remarquables répercussions sur le comportement dynamique qui est tout simplement l’un des meilleurs de la production mondiale tous niveaux de prix confondus. Cette dynamique explosive rend tous les messages (des plus simples aux plus complexes) incroyablement spectaculaires. Bien que les T&T PF2 Signature soient d’une charge très consensuelle, veillez à ce que votre ampli possède une solide alimentation car les écarts de niveau à volume réaliste seront faramineux. J’ai pris un plaisir immense à écouter des plages difficiles assez fort au risque d’affoler Pierre Faverieux qui pourtant en a vu d’autres. Pas de panique : je n’ai rien cassé !
Notre conclusion
C’est avec un très grand plaisir que nous avons longuement apprécié ces nouvelles T&T PF2 Signature qui s’avèrent être de fantastiques enceintes acoustiques. Le son qu’elles proposent est inversement proportionnel à leur taille relativement compacte. De même leur look tout simple cache la richesse harmonique et la fantastique expressivité qu’elles sont capables de déployer. Ce sont des enceintes d’une immense qualité qui font honneur à l’électro-acoustique française. Elles n’ont absolument pas à rougir face à une concurrence internationale extrêmement réputée et dont la notoriété a largement dépassé les frontières. Cependant, dans cette gamme de prix, nous ne saurions trop vous conseiller d’inclure les PF2 Signature dans votre liste de choix potentiels. Elles le méritent haut la main.
Fiche technique : T&T PF2 Signature
- Origine : France
- Prix : 34 300 €
- Dimensions : 1045 avec pieds, x 230 x 326 mm
- Poids : 30 kg
- Impédance : 8 ohms linéarisée
- Charge : 25 l, accord 36 Hz, évent laminaire sous l’enceinte
- Sensibilité : 86 dB (2,8 V/1 m)
- Réponse en fréquence à -3 dB : 40 Hz – 25 kHz dans l’axe
Paru dans VUMETRE n° 51
VUMETRE N°51
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