Il y a un an, le constructeur montalbanais nous proposait avec sa DP 107 une enceinte merveilleusement musicale pour un encombrement relativement domestique. Cette réalisation soufflait un vent d’air frais sur les panneaux isodynamiques. Mais déjà, Diptyque travaillait en secret sur une nouvelle création sans compromis. Présentée en avant-première au dernier salon de Munich, la Référence constitue la quintessence de ses recherches. Arborant d’élégantes lignes réalisées par le designer Anthony Henry, nouvelle recrue de l’équipe, et équipée d’une technologie inédite brevetée, la nouvelle Référence s’inscrit au sein des réalisations les plus ambitieuses de la planète high end.
C’est de la conjugaison des efforts de deux passionnés de hi-fi, Gilles Douziech et Éric Poix, qu’est né Diptyque Audio. Constamment à la recherche du son ultime, ils ont exploré au fil des ans les différentes filières technologiques susceptibles de s’appliquer à sa restitution. Du classique électrodynamique à l’électrostatique en passant par le ruban sous sa forme conventionnelle, aucune de ces technologies n’a répondu pleinement à leurs attentes. Seule la voie de l’isodynamique, également baptisée haut-parleurs magnétostatiques, leur est apparue comme étant un choix prometteur. D’autant plus que la maîtrise des structures ultra résistantes par Éric Poix offrait la possibilité d’envisager de nouvelles solutions mécaniques pour concevoir de tels transducteurs. La conception de cadres extrêmement rigides autorise, entre autres, une tension de membrane parfaite, indispensable à une qualité de restitution exceptionnelle.
De plus, au fur et à mesure de la conception de nombreux prototypes, Diptyque Audio n’a cessé d’améliorer cette technologie. Une modification majeure concerne l’utilisation de puissants aimants bipolaires placés de part et d’autre de la membrane afin que les circuits magnétiques qu’elle porte baignent au sein d’un champ constant durant leur déplacement. Cette architecture, baptisée Push Pull Bipolar Magnet, garantit un parfait contrôle des déplacements de la membrane.
Cette technologie, bien qu’elle soit très délicate à mettre en œuvre, dispose de nombreux atouts pour la conception de vastes haut-parleurs plans. En premier lieu, la diffusion d’une onde plane à partir d’une surface importante se déplaçant de manière homogène garantit une sensation d’immersion sonore sans effet de projection du son. Par ailleurs, le fonctionnement en dipôle de telles enceintes recrée la spatialisation du son nécessaire pour retrouver le comportement d’une salle de concert. De plus, l’utilisation de membranes en mylar ultra-mince de 12 microns d’épaisseur garantit un tempérament vif et dépourvu de traîne. Enfin, l’absence d’ébénisterie, et donc de charge acoustique, élimine l’effet de « boîte » à l’origine de certaines colorations indésirables.
L’enceinte idéale était-elle née ? Pas encore, du moins aux yeux de Gilles Douziech et Éric Poix. C’est durant la période de confinement de mars 2020 que leur esprit, libéré de toute considération urgente, s’est de nouveau mis à vagabonder pour concevoir l’enceinte ultime, sans compromis, capable de restituer l’intégralité du spectre audible, de l’infra-grave aux ultrasons, avec tout le naturel, la rapidité et la transparence que seule la technologie isodynamique est capable de restituer avec cohérence. Le hasard faisant bien les choses, c’est précisément à cette période que l’ingénieur du son Philippe Teissier du Cros, un ami de longue date, eut l’idée de reprendre contact avec Gilles Douziech et Éric Poix afin de s’entretenir sur leurs dernières recherches. À leur demande, il y prit part avec enthousiasme. C’est ainsi que le cahier des charges de la Reference fut établi. Toutes les solutions en place, notamment en ce qui concerne la restitution du grave, furent remises en cause et optimisées jusqu’à l’obtention de basses puissantes et maîtrisées.
Ce travail de recherche et d’innovation a conduit à la mise au point d’une toute nouvelle technologie brevetée sous l’appellation de « Crossed Push Pull ». Chaque cellule de basse est entraînée par deux bobines indépendantes, une verticale et une horizontale. Cette technologie exclusive permet à la membrane en mylar d’être mise en vibration par des centaines de petits moteurs carrés. Ce choix du « push-pull croisé » offre la possibilité de contrôler les vibrations de la membrane sans déformation. De plus, ces doubles bobinages permettent d’optimiser le filtrage afin de fonctionner en push pull croisé dans l’extrême grave et le grave, et progressivement, avec un seul bobinage dans le bas-médium.
Ces spécificités garantissent des basses fréquences très linéaires, sans distorsion, tout en disposant d’une efficacité bien supérieure aux systèmes isodynamiques existants.
Pour la section médium, comme de tradition chez Diptyque Audio, un transducteur de médium spécifique a été conçu. Il se base sur un nouveau ruban isodynamique de 20 mm qui couvre un large spectre de 600 à 7 000 Hz. Enfin, pour la reproduction de l’extrême aigu, un super tweeter en aluminium pur de 8 mm assure sa restitution au-delà de 24 000 Hz.
L’installation
Nous avons eu l’opportunité d’écouter les Référence dans un environnement adapté chez Philippe Teissier du Cros en compagnie de Gilles Douziech. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés. L’intégralité du système était particulièrement soignée. Les sources étaient composées d’une platine tourne-disque Bergmann Galder (avec sa cellule Van Den Hul Condor) et d’un lecteur CD Nagra CDP, associés à un système d’amplification Devialet 1000 Pro. Dans ces conditions, les Référence se sont comportés de manière optimale. Mais nous savons, grâce aux différents essais menées par la marque, qu’il est possible d’utiliser bon nombre d’autres amplificateurs pour obtenir un résultat tout à fait remarquable. La seule véritable précaution à prendre est de s’assurer de disposer d’une pièce d’écoute suffisamment grande. Nous estimons que les Référence se comporteront idéalement à partir de 50 m² avec une belle hauteur sous plafond. C’est le prérequis pour profiter au mieux de ces nouvelles enceintes.
Le son
Depuis nos débuts en haute-fidélité, nous avons eu l’opportunité d’écouter la plupart de ce qui se fait sur la planète en matière de panneaux acoustiques, ces grandes enceintes plates qui fonctionnent en dipôle, que cela soit les électrostatiques, les isodynamiques ou les rubans. Aussi, lorsqu’une marque française comme Diptyque Audio décide de créer des enceintes isodynamiques capables de rivaliser avec les meilleurs produits mondiaux, nous ne pouvons qu’applaudir des deux mains. Nous avons aimé les petites DP 77, nous avons adoré, il y a tout juste un an, les nouvelles DP 107, et aujourd’hui nous découvrons non sans émotion les majestueuses Référence. En premier lieu, nous sommes frappés par le progrès que le constructeur français a réalisé entre son tout premier modèle et ses produits contemporains. Que cela soit la DP 107 ou la Référence, nous sommes en présence d’une modélisation technologique particulièrement aboutie et réussie en la matière. Nous avons eu la très agréable opportunité d’une écoute privée longue et variée avec les Référence. Cette expérience nous a permis de réaliser à quel point cet immense transducteur est capable de reproduire la musique enregistrée sur une grande échelle. L’idée que l’on se fait de la reproduction sonore chez soi en est relativement bouleversée. Vos repères ne peuvent être que chamboulés. En l’espèce, l’auditeur n’est plus du tout confronté à l’expérience que peut lui apporter des enceintes électrodynamiques. Avec les Référence, le son occupe la pièce d’écoute sur une très grande échelle et sans limitation. Il est très grand, très aéré, extrêmement individualisé, en ce sens que chacune des multiples composantes du message sonore est parfaitement replacée dans l’espace selon les choix opérés par l’ingénieur du son. D’ailleurs, cette transparence supérieure à la moyenne procure une importante différenciation des divers enregistrements que vous pourrez déguster avec ces enceintes acoustiques. À chaque nouvelle plage correspond un univers sonore bien particulier : celui que le musicien a souhaité explorer et partager. Ainsi, sur l’un de nos enregistrements fétiches, celui de Jean-Louis Trintignant déclamant à merveille un poème de Boris Vian, sur l’album de Daniel Mille, L’Attente, l’expérience sonore est inimitable. Et pourtant nous avons pu essayer cette piste sur une multitude d’enceintes différentes. Mais en l’occurrence, c’est la première fois que nous la vivons avec une telle intensité. C’est vraisemblablement du fait que les Référence sont capables de reproduire la voix humaine avec une absence de coloration innée. Nous avons eu rigoureusement la même impression en écoutant un disque de Laurie Anderson en compagnie de Lou Reed, ou des madrigaux de Claudio Monteverdi. La sensation de présence est remarquable, car non seulement toutes les voix présentent une matière particulière, mais la différenciation entre les différents plans et arrière-plans est d’une précision phénoménale. L’absence de distorsion et de compression permet d’écouter très fort sur des passages parfois durs sans aucune dureté. Ce qui est totalement paradoxal ! Au fur et à mesure que la séance d’écoute se prolonge, on perçoit cette sensation unique de déguster une écoute fantastiquement aérée et intelligible. La scène sonore reproduite par les Référence est unique en son genre. Cette sensation d’immersion et d’implication dans l’architecture spatiale du son renforce la compréhension de la nature profonde des enregistrements. L’écoute d’une symphonie en concert permet de percevoir sans commune mesure le son de la salle, l’ambiance, l’atmosphère, avec une acuité tout à fait exceptionnelle. Si nous ne devions pointer qu’un seul défaut dans la magistrale performance de ces reproducteurs sonores hors du commun, ce ne serait pas quelque chose de directement lié à leur fonctionnement, mais à ses conséquences. En effet, la transparence est telle que ce système acoustique ne fait pas de cadeau aux mauvaises prises de son. Les enregistrements un peu litigieux sont immédiatement identifiés.
Notre conclusion
L’écoute de ces panneaux isodynamiques constitue une expérience unique et hautement addictive. Une fois que l’on a commencé, il devient très difficile d’arrêter… On enchaîne les disques avec frénésie, et on va de délice en délice. En tout premier lieu, nous devons saluer comme il se doit la performance technique qui a présidé à la naissance de ces enceintes. Le travail effectué en termes de recherche et développement a été long et approfondi. Que les géniteurs de ce produit hors normes en soient ici félicités. Ce qui nous a le plus enthousiasmés dans l’écoute de ce produit, c’est son aptitude à faire oublier le matériel pour plonger plus profondément au cœur de la musique enregistrée. On dépasse ici le simple concept de matériel hi-fi pour entrer dans celui de vecteur émotionnel. Voilà une réalisation de grande envergure au prix certes élitiste, mais qui constitue une avancée majeure en matière d’acoustique française. Les nouvelles Référence ne se destinent bien évidemment pas à tout le monde, loin s’en faut. Elles seront fatalement hors de portée du plus grand nombre, mais elles s’adressent également à des auditeurs affirmés prêts à saisir les trésors de raffinement dont elles sont capables.
FICHE TECHNIQUE : DIPTYQUE AUDIO Reference
- Origine : France
- Prix : 44 000 €
- Dimensions : 1 800 x 650 x 45 mm
- Poids : 82 kg
- Nombre de voies : 3,5
- Rendement : 89 dB/1 W/1 m
- Réponse en fréquence : 22 Hz à 24 kHz
- Puissance admissible : 300 W
Paru dans VUMETRE n° 42
VUMETRE N°42
Juillet – Août 2022 Version papier : 10 € (frais de port inclus) / Version digitale : 7 €