Nous continuons notre odyssée au sein du catalogue CH Precision avec un maillon particulièrement intéressant, le préampli phono P1 qui, comme d’habitude chez le constructeur suisse, peut-être upgradé à l’aide de l’alimentation optionnelle X1. Comme toujours, c’est un feu d’artifice sonore qui nous est offert. Et comme toujours, la qualité sonore a un prix élevé, mais le résultat qui en découle est tout simplement phénoménal. Récit…
Traiter les signaux issus d’une cellule phono a toujours constitué un défi pour les concepteurs de matériel hi-fi de qualité. Outre les très faibles tensions mises en jeu qui rendent ces signaux fragiles et sensibles aux parasites électromagnétiques de toute origine, une absolue maîtrise du bruit que génèrent les composants des étages internes de préamplification de l’équipement est indispensable pour obtenir un résultat pleinement satisfaisant. Qui plus est, chaque cellule dispose de caractéristiques spécifiques qui peuvent, ici encore, rendre le résultat aléatoire en raison, entre autres, d’une mauvaise adaptation d’impédance ou d’un gain en tension insuffisant. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que, pour des raisons de réduction de « l’encombrement du sillon » sur la surface du disque, une correction spécifique (comme un filtrage) est appliquée au signal avant la gravure du disque. Elle a pour principal objectif de réduire le niveau du grave, puisque c’est lui qui requiert les plus larges méandres du sillon pour son enregistrement. Mais, si la fonction de transfert du filtre la plus couramment employée est celle de la correction RIAA, des variantes existent, même si elles ne concernent essentiellement que des enregistrements anciens. Pour rendre à l’écoute toute sa fidélité, il est ainsi indispensable d’appliquer, lors de la lecture du disque, la correction inverse de celle pratiquée lors de la gravure du disque master. Idéalement, le préamplificateur doit être capable de moduler sa correction en fonction de l’origine du disque lu.

Vers compatibilité totale
C’est l’intégralité de ces points que CH Precision a pris en compte pour concevoir son préamplificateur ultime, capable de s’adapter parfaitement à chaque situation, le P1. Pour cela, il est intégralement reconfigurable depuis une application qui donne accès aux réglages les plus fins. Bien entendu, il accepte tant les signaux issus d’une cellule à aimant mobile (type MM) que ceux provenant d’une cellule à bobine mobile (type MC). Il s’agit là d’une modification de l’impédance que présentent ses entrées ainsi que d’une importante augmentation de son gain. Il ne faut pas oublier que si une cellule type MM délivre un signal de 2 à 5 mV, une cellule type MC ne délivre que de 0,2 à 0,4 mV. Néanmoins, la majorité des préamplificateurs de qualité porte un petit commutateur qui propose de sélectionner, en fonction de la cellule utilisée, un mode MM ou MC.
Le P1 possède trois entrées phono. Les entrées 1 et 2 utilisent un gain en courant, l’entrée 3 est un étage de gain en tension plus conventionnel.
Le gain en courant est généralement préféré, en particulier pour les cellules à très faible impédance interne. Dans ce cas, le seul réglage est celui du gain d’entrée. Le choix est lié à la dynamique par rapport au niveau de bruit. Ces entrées sont idéales pour les cellules à très faible impédance interne – moins de 10 ohms, moins de 5 ohms est encore mieux…
Chaque entrée peut être nommée individuellement (et la couleur d’affichage sélectionnée), ce qui est particulièrement utile si vous utilisez plus d’une cellule.
Pour sa part, le P1 propose un type d’adaptation optimisable avec infiniment de finesse. Son gain en tension est ajustable de 35 à 70 dB avec une possibilité de réglage par pas de 5 dB. De même, l’impédance de ses entrées peut être déterminée de 20 ohms à 100 kilo-ohms en disposant de plus de 100 pas. Il est ainsi possible d’adapter parfaitement les caractéristiques de ce préamplificateur aux exigences de la cellule afin de l’exploiter dans des conditions optimales.
Des corrections paramétrables
Enfin, le P1 va encore plus loin en proposant divers types de correction. Si, en version de base, il intègre les fonctions de transfert des égalisations EQ RIAA et RIAA, il est possible de lui adjoindre des corrections optionnelles telles que : EMI, Columbia, Decca ou Teldec. Ainsi, le P1 est capable de s’adapter non seulement aux caractéristiques de la cellule utilisée, mais aussi aux conditions d’enregistrement et de gravure du disque. Autant de fonctionnalités qui ne manqueront pas de séduire les inconditionnels du son vinyle les plus exigeants.
Une alimentation externe à ultra faible bruit
Mais le meilleur des préamplificateurs ne saurait donner un résultat satisfaisant sans qu’il soit alimenté par une source électrique capable de délivrer des tensions stables et dépourvues de tout type de pollution électromagnétique. Pour que le P1 puisse travailler dans des conditions optimales, CH Precision a donc conçu un bloc d’alimentation spécifique à ultra faible bruit : le X1. Cette alimentation n’est d’ailleurs pas exclusivement dédiée au P1. Elle est compatible avec divers autres éléments de la marque tels que lecteur CD, par exemple. Capable de délivrer simultanément jusqu’à 14 tensions différentes, elle se connecte au dispositif à alimenter par l’intermédiaire d’une prise type M23 à 19 contacts. Enfin, comme les produits conçus par CH Precision font appel simultanément à des sections numériques et analogiques, le bloc d’alimentation gère individuellement les tensions affectées à chaque section. Un point qui s’oppose ainsi à toute interaction entre flux numériques et signaux analogiques.

L’installation
Le P1 et le X1, comme tous les CH Precision, utilisent un système de mise à la terre mécanique qui assure leur parfaite assiette (mise à niveau) et draine l’énergie mécanique générée en interne. Ils doivent être placés sur une surface rigide et plane comme celle de nos meubles Centaure L. Si vous voulez les installer sur une surface dure comme du métal ou du verre, il sera nécessaire d’utiliser les contre-pointes fournies par le constructeur. En théorie, les appareils CH Precision peuvent être empilés, mais il est préférable d’utiliser une étagère individuelle par unité.
Chaque P1 est livré avec un disque de 7’’ qui est une aide à l’installation. À l’aide des instructions du manuel et de l’écran de l’appareil, la lecture du disque permet d’obtenir les réglages théoriques optimaux, avec le gain d’un côté et l’impédance de charge de l’autre. Les réglages obtenus constituent une excellente base, mais les auditeurs expérimentés seront en mesure d’améliorer encore les performances en procédant à des ajustements par tâtonnement.
Les programmes de l’assistant de gain et de chargement se trouvent dans le menu des réglages d’usine. Mettez la bonne face sur le tourne-disque (à 45 tours/minute) et suivez les instructions à l’écran pour terminer le processus.
Notre P1 d’essai étant fourni avec une carte d’égalisation optionnelle, nous avons pu utiliser l’égaliseur eRIAA, Decca, Columbia, EMI ou Teldec (DGG/Archiv). C’est une option très intéressante parce que l’on se rend compte que Decca et EMI ont vraisemblablement continué à utiliser leurs courbes propriétaires jusqu’au début des années 1970, tandis que DG n’a jamais adopté le RIAA à l’exception de quelques albums gravés et pressés aux États-Unis.
Tous les réglages sont accessibles via les commandes en façade, ou mieux encore, via l’application CH Control.
Le son (P1)
Le P1 est un préamplificateur phono véritablement universel, et toutes les cellules avec lesquelles nous avons pu le tester ont offert le maximum de leur potentiel. C’est le postulat théorique de cet appareil, mais c’est également ce que nous avons ressenti pleinement en pratique. Non seulement nous avons pu l’optimiser impeccablement pour chaque phonolecteur essayé, mais nous avons bien compris à quel point il pouvait le faire fonctionner au top de ses possibilités. Ceci a été valable avec toutes les cellules MM ou MC. La première sensation est celle d’un silence de fonctionnement que nous n’avons pas rencontré auparavant. Dûment connecté et paramétré, le P1 est totalement silencieux, même lorsque le bouton de volume de l’ampli est au sommet de sa course. C’est d’ailleurs assez troublant, car on a de prime abord l’impression d’être sur la position CD ! Ce silence est pour beaucoup dans la performance globale du P1 qui se caractérise par conséquent par un niveau de dynamique dantesque. La seconde impression peu commune est que le P1 permet d’exploiter intégralement le potentiel de chaque phonolecteur, qu’il s’agisse d’une « modeste » MM ou d’une très coûteuse MC. Nous avons investigué la première possibilité par pure curiosité de journaliste, car nous avons bien conscience que personne sur cette planète n’utilisera une MM à 500 € avec un préampli à 26 000 €. Néanmoins, cette expérience en dit très long sur la capacité du P1 à valoriser les éléments placés en amont. En définitive, c’est vraiment ce qu’on lui demande… Et il y a fort à parier que le propriétaire d’une telle machine ne soit pas équipé que d’une cellule, mais d’une jolie collection ! Idem pour les disques. Dans ces conditions, le bonheur se vit au quotidien, car le P1 n’a pas son pareil pour satisfaire tous les cas de figure qui peuvent se présenter à son heureux propriétaire. La carte optionnelle que l’on adoptera forcément permet de se conformer aux profils EMI, Columbia, Decca et Teldec. Et franchement, pour avoir essayé cette fonctionnalité, nous devons avouer qu’elle donne des résultats tout à fait étonnants. Le silence et la plus incroyable exactitude sont donc les vertus cardinales de ce préampli très spécial. Mais il n’y a pas que cela. Il s’illustre également par une capacité à gérer la dynamique tout à fait exceptionnelle. En sa compagnie, les changements de rythme et les inflexions les plus subtiles de la ligne mélodique sont décelables en un rien de temps. La qualité des timbres est tout aussi éloquente. Bien sûr, un CH Precision ne saurait se renier, et c’est sur le terrain de la neutralité et de l’élégance que le débat est placé. C’est sur une voix seule et fragile ou sur un piano, messages sur lesquels la tricherie n’est pas possible, que le P1 est le plus frappant. Non pas qu’il soit plus spectaculaire que d’autres, bien au contraire. Ce qui nous surprend, c’est le niveau incroyable de pureté sonore et de présence qu’il parvient à conférer à l’écoute. On oublie le matériel pour être saisi par les émotions. Et toujours ce silence…
Le son (P1 + X1)
Nous pensions être parvenus au sommet de la montagne, mais avec nos amis suisses, il faut toujours se méfier. Évidemment, ils ne nous ont pas prêté le P1 tout seul, mais avec l’alimentation optionnelle X1. En revanche, ils nous avaient juste prévenus de prendre le temps pour tester le P1 seul, car une fois le X1 connecté, le retour en arrière est impossible. Malheureusement, nous pouvons témoigner que c’est vrai. En matière de performance du matériel hi-fi, on sait très bien que l’influence de l’alimentation est prédominante. Le fait de l’externaliser, et surtout de l’optimiser à son paroxysme, permet au circuit de travailler dans les meilleures conditions possibles. C’est exactement ce qui se passe ici. Pour tout dire, le P1 reste ce qu’il est, c’est-à-dire un merveilleux étage phono. Mais toutes ses qualités sont transcendées. Le rapport signal/bruit est encore plus éloquent, avec une telle gradation de l’intensité sonore que le côté spectaculaire de certaines pièces musicales est davantage mis en évidence. L’instantanéité de sa réactivité est sidérante. Corollaire de cette dynamique accrue, le son est encore plus doux. Et comme la reproduction est encore plus fouillée et subtile, elle semble évidemment plus naturelle. Ce qui est frappant, c’est qu’avec l’ajout de l’alimentation X1, on réalise que l’on écoute encore plus fort mais avec davantage de confort. Dernier élément et non des moindres, la structure de l’image sonore est d’une exceptionnelle précision. C’est d’ailleurs en termes de profondeur que l’on est séduit par une telle extension, avec des arrière-plans très nets et d’une remarquable limpidité. Rien n’est laissé dans l’ombre : toute composante musicale tirée du sillon est magnifiée et exploitée dans les règles de l’art.

Notre conclusion
Nous commençons à prendre de mauvaises habitudes : notamment celle de tester à intervalles réguliers les produits de la marque suisse CH Precision. Comme nous savons que nous ne pourrons jamais nous les offrir, nous passons autant de temps que possible à les essayer pour déguster leur stratosphérique niveau de musicalité. Le P1, avec ou sans l’alimentation X1, est l’un des très rares préamplis phono qui concourt pour le sommet de la hiérarchie. Nous voilà dans un cercle très fermé de l’élite audio mondiale. Le fait de pouvoir upgrader sa machine pour aller encore plus loin est un argument fantastique. Bien sûr, ce produit ne s’adresse qu’à une minorité d’amateurs suffisamment impliqués pour réaliser un tel investissement, mais il nous dresse un état de l’art dans le domaine. Ce qui nous a frappés, c’est que pendant la durée de leur passage chez nous, ces deux machines ont accaparé notre attention dans de telles proportions que nous n’avons pas écouté un seul CD ni fichier Hi-Res. Doit-on y voir un signe ?
Fiche technique : Bloc d’Alimentation CH Precision X1
- Origine : Suisse
- Prix : 16 000 €
- Dimensions : 440 x 440 x 120 mm
- Poids : 22 kg
- Alimentation stabilisée ultra faible bruit
Fiche technique : Préamplificateur phono CH Precision P1
- Origine : Suisse
- Prix : 28 600 €
- Dimensions : 440 x 440 x 133 mm
- Poids : 20 kg
- Cellules gérées : MM (aimant mobile) et MC (bobine mobile)
- Transistors : Type Mosfet sur les étages d’entrées
- Courbes d’égalisation : EQ RIAA et RIAA intégrées
- Corrections en option : EMI, Columbia, Decca et Teldec
- Connectique sorties : Symétrique sur XLR, asymétriques sur RCA
- Pour les cellules MC
- Entrées de courant de bobine
- Gain réglable en six étapes
- Entrées : 2 x symétriques sur XLR ou asymétriques sur RCA
- Pour les cellules MM
- Gain réglable de 35 dB à 70 dB par pas de 5 dB
- Chargement de la cellule de 20 ohms à 100 kilo-ohms en plus de 100 pas
- Connectique entrées : symétrique sur XLR, asymétriques sur RCA
Paru dans VUMETRE n° 49
VUMETRE N°49
Septembre – octobre 2023 Version papier : 10 € (frais de port inclus) / Version digitale : 7 € Outre le plaisir de découvrir les nouveautés liées à votre passion et l’activité de l’industrie audio, nous vous proposons deux formats :











